Les athlètes et sportifs récréatifs n’ont jamais eu autant d’outils pour maximiser leur entraînement, mais l’un d’eux est bien souvent négligé : la quantification de la charge d’entraînement.
Par Julien Lapointe, kinésiologue, M.Sc.
Passant par les méthodes de récupération aux programmes d’exercices individualisés, les stratégies de prévention de blessures sont de plus en plus multiples. Les athlètes et sportifs récréatifs n’ont jamais eu autant d’outils pour maximiser leur entraînement, mais l’un d’eux est bien souvent négligé : la quantification de la charge d’entraînement.
Le principe derrière cet outil est simple, une mesure est prise pendant ou après un effort pour donner une rétroaction sur le stress imposé par l’exercice. Ce stress, combiné à une récupération adéquate est nécessaire pour engendrer des adaptations et améliorer les performances. C’est ce qu’on appelle la surcompensation, sujet d’un précédent blogue. Une analyse des mesures permet aux entraîneurs d’ajuster la charge d’entraînement afin d’être dans la zone cible (voir Figure 1). D’un côté l’entraîneur veut éviter les séances trop faciles ne créant pas une fatigue suffisante et à la longue peut mener à un désentraînement. Un sportif dans cette condition augmente ces risques de blessures lors d’une épreuve. De l’autre côté, il faut éviter les séances trop exigeantes avec des récupérations incomplètes pouvant mener à un surentraînement. Cette condition apporte son lot de problèmes, dont les blessures de surutilisation des structures (tendinites, périostites, etc.)
Afin d’ajuster la zone d’entraînement, il est possible de moduler l’intensité, le volume (la durée de l’exercice) et la fréquence. Ce sont d’ailleurs les principaux facteurs à considérer lors d’une bonne planification et périodisation de l’entraînement. Bref, cet outil donne une rétroaction sur comment l’athlète réagit face à une séance ou un bloc d’entraînement pour prévenir les blessures et s’assurer d’engendrer des adaptations.
Une activité faite par un athlète peut être quantifiée de deux manières. D’abord, les variables comme la distance parcourue, la vitesse d’exécution, le nombre de répétitions et d’autres variables constituent la charge externe. Elle est bien souvent la mesure la mieux connue de l’entraîneur et permet de suivre l’état de forme de l’athlète. Ensuite, tous les marqueurs métaboliques, physiologiques et biomécaniques constituent la charge interne. L’une des premières stratégies de régulation de l’effort est de comparer la charge interne sur un axe et la charge externe sur l’autre (voir Figure 2). En connaissant où se situe votre athlète, il est possible d’ajuster la charge d’entraînement en fonction de la phase d’entraînement et des compétitions à venir. (Gabbett et al., 2017)
La quantification de la charge externe est, comme nous l’avons précédemment mentionné, assez simple à quantifier. Pour la charge interne, il est souvent difficile d’avoir des mesures et de savoir les interpréter. Un outil valide, simple à intégrer dans un groupe d’entraînement et qui est corrélé avec les marqueurs de charge interne est la perception de l’effort de la séance (Haddad et al., 2017). Cette méthode subjective consiste à questionner le participant sur l’intensité perçue à l’entraînement sur une échelle allant de 0 à 10, puis de multiplier ce résultat avec la durée de la séance en minutes (Foster et al., 2001). Ainsi, avec cet outil simple, il est possible de quantifier la charge quotidienne, d’un cycle d’entraînement ou de comparer avec la charge externe.
La charge physiologique et biomécanique
Selon de nouvelles recherches, l’adaptation tout comme la charge affectent séparément et de manière distincte les composantes physiologiques et biomécaniques (Vanrenterghem et al., 2017). Physiologiquement, les adaptations peuvent être centrales (système cardio-pulmonaire ou nerveux) ou périphériques (capillarisation, capacité oxydative du muscle, typologie musculaire). Du point de vue biomécanique, les ligaments, tendons, tissus mous, fascias et muscles sont aussi sujets à des modifications structurelles telles que l’angle de pennation (angle par rapport à l’axe de force), la matrice cellulaire du muscle, la densité de collagène, son orientation et bien d’autres (Wisdom et al., 2014). Puisque les adaptations sont différentes selon le système, une forte augmentation de la charge entraînera des conséquences elles aussi différentes. Par exemple, si physiologiquement l’entraînement est trop exigeant, il peut y avoir une dépression du système nerveux central occasionnant une perte du recrutement musculaire ou encore une diminution de la disponibilité des substrats énergétiques. Si c’est le système biomécanique qui est surchargé cette fois, nous retrouvons par exemple des fractures de stress, des entorses chroniques et des tendinites.
Les chercheurs posent l’hypothèse que le temps de surcompensation à la suite d’une séance stressante ne sera pas la même en fonction du système. Ainsi, le temps de récupération nécessaire aux structures biomécaniques serait plus long que celui du système physiologique. Dans la figure 3, nous observons deux scénarios de stress biomécanique pour un même stress physiologique. Dans la première figure de cas, la charge biomécanique est maintenue alors que la récupération n’est pas complète et les séances sont enchaînées sur des structures de plus en plus fatiguées créant une rupture au 4e jour. Dans la deuxième figure de cas, la charge biomécanique est contrôlée et diminuée un jour sur deux, permettant une meilleure récupération et ainsi une surcompensation.
Nous comprenons que la deuxième figure de cas est le scénario souhaité. Mais comment diminuer la charge biomécanique tout en maintenant la charge physiologique? Plusieurs stratégies sont déjà utilisées comme l’aqua jogging, troquer des séances de courses par des séances sur vélo, modifier la surface de course (bitume vs gazon) ou encore l’entraînement par intervalles où la durée totale d’effort est réduite. De plus, en utilisant la perception de l’effort comme mesure de charge d’entraînement, il est possible de quantifier le stress imposé à chacun des systèmes en questionnant la difficulté à respirer et au niveau des jambes. (Vanrenterghem et al., 2017)
Message clé
Il est important de se rappeler qu’il y a une grande différence entre la charge prescrite et celle perçue physiquement par l’athlète. C’est bien souvent dans cette différence qu’apparaît une brèche menant à long terme à des blessures. Il est donc important de mesurer la charge interne de l’athlète pour être capable d’adapter et d’individualiser l’entraînement donné à nos sportifs. De plus, la charge affecte deux principaux systèmes entraînant des surcompensations et des conséquences différentes. Il est important de rester alerte à ce phénomène et de ne pas hésiter à ajuster le contenu des séances pour diminuer le stress biomécanique, surtout pour les sports impliquant beaucoup de contacts répétés comme la course et les sauts.
Références
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