Dans le cadre de la Journée nationale pour la vérité et la réconciliation, Mylène Haché, physiothérapeute, définit le principe de la sécurité culturelle à travers sa pratique clinique d'une durée de 12 ans dans le Nord du Québec chez les Cris à Chisasibi en Eeyou istchee (terre cri).
Il y a déjà un an qu’a eu lieu les horribles événements qui ont précédé et mené au décès de Joyce Echaquan. Ce malheureux décès soulève des incompréhensions et amènent plusieurs réflexions, notamment sur notre façon de pratiquer en tant que clinicien face à la diversité culturelle. J’aimerais faire suite à un très bon blogue d’Emmanuelle Rivest Gadbois (Le modèle BPS+ : La personne dans son entièreté) en y ajoutant une composante culturelle.
En tant que soignant, nous avons tous un rôle à jouer pour nous assurer que notre patient reçoive ses soins dans la dignité. Pour ce faire, notre plan d’intervention doit être personnalisé. Ceci inclus, entre autres, de prendre en considération son environnement, sa situation familiale, ses ressources matérielles disponibles, sa langue première et seconde, et même son rapport face à la maladie et aux handicaps, la place qu’occupe ses croyances culturelles et religieuses, et j’en passe.
Depuis les dernières années, les peuples des Premières Nations et plusieurs institutions d’enseignements se donnent comme mandat d’enseigner le principe de la « sécurité culturelle ». C’est un principe qui devrait s’appliquer à toutes les cultures. Permettez-moi de vous l’expliquer.
La sécurité culturelle, c’est accepter que nos perceptions soient parfois erronées, reconnaître les différences, être prêt à écouter sans jugement, être à l’écoute des besoins de l’autre, adopter une approche de travail respectueuse sans discrimination, ni racisme afin de permettre aux patients de se sentir en confiance. (1)
“N’essayez pas d’être plus Cri que les Cris” est une citation que j’ai entendue à mes débuts dans le nord lors de mon séjour en Eeyou Istchee (Terre cri). J’ai compris qu’il est important que nos recommandations reflètent la réalité du patient. Mais surtout, que j’étais mieux de valider que mes recommandations soient appropriées plutôt que d’assumer qu’elles le sont.
Offrir une approche axée sur la sécurité culturelle ne veut pas dire être un expert de la culture de l’autre, mais plutôt d’en prendre conscience.
La compréhension de la sécurité culturelle est très importante, surtout lorsque nous offrons nos services à une clientèle autochtone dans notre propre milieu. Les autochtones qui doivent se déplacer dans les milieux urbains pour recevoir des soins de santé sont souvent beaucoup plus déstabilisés qu’ils ne le laissent paraître. Ils se retrouvent parfois seuls ou entourés de soignants qui ne parlent pas leur langue première. Ils mangent de la nourriture qui ne leur est pas toujours familière. En absence de repères, ils vivent du stress relié aux déplacements dans les villes ou encore, ressentent la pression de devoir retourner à la maison le plus rapidement possible parce qu’ils sont le pilier de la famille. En tant que soignant, une façon simple de démontrer de l’empathie à leur égard serait de se demander : « comment souhaiterais-je être pris en charge pour mes soins de santé dans un autre pays ? »
J’aimerais vous partager un exemple où la sécurité culturelle joue un rôle de premier plan dans l’intervention. Un père autochtone que j’ai déjà interviewé m’a dit : « les recommandations des professionnels sont les bienvenues, tant qu’elles ne viennent pas brimer notre joie de vivre en famille. S’occuper de notre enfant ne devrait pas être un travail. »
– Louie-Rene Kanatawat père de 5 enfants et entrepreneur dans sa communauté dans le Nord du Québec.
Ce commentaire confirme qu’il faut prendre le temps de poser des questions sur leur quotidien. Comment nos recommandations peuvent-elles être intégrées à leur façon de vivre ? En travaillant avec de la flexibilité, on s’assure d’un plan d’intervention beaucoup plus significatif pour la réalité du patient.
N’hésitez pas à lire sur l’histoire des premières nations. S’informer, réfléchir et discuter sont des actions simples qui vous permettront de mousser votre réflexion sur la façon d’aborder une communauté différente de la vôtre. Si vous désirez approfondir sur le sujet, M. Paul Gareau, professeur à la faculté des études autochtones de l’Université de l’Alberta et responsable du cours « Indigenous Canada » a décidé d’offrir sa formation en ligne gratuite pour tous. Cette formation peut être un beau cadeau à se faire pour prendre part au processus de réconciliation.
Il aura fallu un incident tragique dans les murs du centre hospitalier de Joliette pour qu’une formation sur la culture autochtone soit exigée dans cet hôpital pour tout le personnel des soins de santé. L’objectif du gouvernement est d’en faire une pratique standardisée dans tous les centres hospitaliers du Québec, mais d’ici là, chacun d’entre vous pouvez essayer de faire votre bout de chemin pour tenter de mieux comprendre l’impact des séquelles causées par toutes ces décennies dans les écoles résidentielles.
Références
(1) Cultural safety: https://www.indigenoushealthnh.ca/initiatives/cultural-safety
Indigenous Canada, Massive open Online Courses (MOOCs) www.ualberta.ca
La sécurisation culturelle désigne des soins qui sont prodigués dans le respect de l’identité culturelle du patient, qui visent l’équité et qui sont exempts de relations de pouvoir nocives entretenues par le système de santé dominant (AIIC, 2010; Downing, Kowal et Paradies, 2011; Garneau et Pepin, 2012; Rix, Barclay, Wilson, Stirling et Tong, 2013).
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