Si vous souhaitez découvrir les étapes les plus importantes et cruciales pour traiter un musicien, alors vous êtes au bon endroit. Lisez ce qui suit jusqu’à la fin.
Par Marianne Roos, M.Sc., Pht, Cand. PhD
Nous savons tous que l’écoute active et la compréhension sont importantes pour toutes les populations que nous pourrions traiter en tant que cliniciens. Cependant, il faut noter que la littérature scientifique démontre que des musiciens partout dans le monde ont l’impression de n’être ni entendus ni compris par les professionnels de la santé (chirurgiens, médecins, professionnels en réadaptation) (1,2). Cette situation empêche souvent les musiciens de consulter. En effet, les musiciens ont tendance à endurer leur mal, sans consulter, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus capables de jouer de leur instrument (3). Ce comportement favorise la chronicisation des blessures et d’autres effets néfastes. Alors le clinicien doit être capable de s’adapter au musicien afin de les encourager à venir nous voir lorsqu’ils en ont besoin.
Lorsque les musiciens nous consultent (enfin!), ils veulent que nous saisissions la gravité de leur problème, autant dans leur vie que dans leur fonction artistique. Un doigt qui nous semble bien fonctionnel, pourrait, pour eux, être digne d’amputation. « C’est complètement inutile! » Ce que nous considérons comme étant une récupération rapide pourrait être tragique pour eux (des semaines à reculons, des opportunités manquées, de la régression avec des impacts à long terme). Il est crucial de ne jamais minimiser la situation ou de suggérer qu’ils exagèrent. Essayez plutôt de les aider à mettre les choses en perspective à l’aide de messages tels: « Plus nous travaillons bien ensemble à cette étape-ci, plus vous aurez des chances de récupérer rapidement. Ensuite, à l’avenir, vous saurez appliquer tout ce que vous aurez appris afin de prévenir des récurrences, et même appliquer vos connaissances aux autres régions du corps afin de prévenir les problèmes. » C’est rassurant pour eux d’apprendre qu’il leur est possible de reprendre le contrôle sur la situation et même développer une certaine expertise qu’ils pourront appliquer eux-mêmes à l’avenir – cela contribue à augmenter leur sens d’auto-efficacité (self-efficacy) qui est faible en ce qui traite de leur santé et de leur bien-être (3,4).
Je ne peux pas mettre assez d’emphase sur ce point! J’avoue que même en ayant l’intention de le faire au début de ma carrière clinique, je n’ai souvent pas observé mes clients musiciens avec leurs instruments aussi rapidement que j’aurais pu. Il y a tellement de choses à faire et à travailler qu’il est facile d’embarquer dans un plan de traitement avant de compléter cette étape. Toutefois, pour les douleurs ou blessures liées au jeu de l’instrument, et souvent pour celles que le musicien ne juge pas liées au jeu, cette étape peut tellement nous apprendre des choses. J’ai réalisé rapidement qu’il ne faut pas la sauter. J’ai une maîtrise en musique (concentration performance) et donc une assez bonne connaissance des instruments et des postures/techniques requises pour les jouer. Pourtant, voir des musiciens individuels avec leurs instruments peut être un moyen de s’adapter au musicien afin d’avoir des informations que nous n’aurions pas perçues autrement. Si vous n’avez pas de familiarité avec les instruments, c’est encore plus essentiel!
S’il est difficile ou impossible de leur faire jouer de leur instrument en clinique (ex. : pianistes), demandez-leur de vous préparer de petites vidéos en jouant les passages qui sont problématiques ou qui augmentent leurs symptômes, de 2 ou 3 angles différents.
ATTENTION
Je remarque que plusieurs jeunes professionnels en réadaptation sautent directement à la « posture » lorsqu’ils discutent de la réadaptation des musiciens. Croyez-moi, je sais que lorsque nous voyons des musiciens, nos yeux de « réadaptation » peuvent devenir fous et nous identifions automatiquement toutes sortes de « problèmes » posturaux. Mais n’oubliez pas que personne n’a la posture des livres universitaires, incluant les meilleurs artistes de la scène et les athlètes. On doit éviter de faire des suppositions quant à la relation cause/effet entre la posture et les blessures des musiciens, 1) car ces suppositions ne sont pas basées sur des évidences (au contraire! (5)); 2) puisque des ajustements posturaux appliqués librement peuvent avoir de grands impacts sur la technique du musicien et démarrer une cascade injustifiée de changements et de répercussions; 3) parce que nous devons respecter la longue tradition de création musicale et les centaines d’années de maîtrise du jeu d’instruments qui ont produit les techniques d’aujourd’hui, ainsi que les heures innombrables que le musicien a déjà investies afin de jouer de la façon dont il joue. Nous avons de l’expertise qui peut aider les musiciens, mais nous devons trouver une façon de concorder notre expertise harmonieusement avec la leur.
Compte tenu de ce qui précède, l’objectif d’observer le musicien jouer de leur instrument est de nous adapter au musicien afin de nous guider dans le développement de notre liste d’hypothèses de problèmes, tels un manque d’endurance, de force ou d’activation de certains groupes musculaires, ou des mouvements périphériques mal soutenus par le tronc et/ou par les grandes articulations. D’autres tests sont nécessaires afin de confirmer/infirmer les hypothèses avant d’établir un plan de traitement.
Il y a tellement plus à dire! Restez à l’affût en consultant le prochain blogue sur l’adaptation de notre pratique aux musiciens.
Références
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