Découvrez dans ce bogue le meilleur test de l’entorse à la cheville et comment vraiment évaluer l’entorse à la cheville afin de pouvoir la prendre en charge de manière adéquate et réduire les risques de récidive.
Par Michael Bertrand-Charrette, pht, MSc, Candidat au PhD
Les entorses à la cheville font partie des atteintes musculosquelettiques les plus fréquentes. Bien que plusieurs personnes retrouvent rapidement leur fonction, beaucoup resteront avec des déficits les mettant à risque de se refaire une entorse de cheville. En effet, jusqu’à 33% des personnes vont rapporter une sensation d’instabilité à leur cheville et cette sensation peut durer jusqu’à 3 ans postentorse avant de ne plus être perçue. De plus, cette atteinte périphérique semble même avoir un effet plus central, car même le côté « sain » démontre une diminution de performance lors de l’évaluation bilatérale postentorse à l’aide d’un test de référence. Pour le traitement de l’entorse de la cheville et diminuer le risque de récidive, il est donc de la plus grande importance de bien évaluer les déficits présents et de pouvoir effectuer un suivi avec des mesures fiables dans le temps.
Cependant, quel est le meilleur test pour effectuer ce suivi et qu’évalue-t-il vraiment?
Pour répondre à cette première question, il suffit de fouiller brièvement dans la littérature scientifique. On en vient rapidement à la conclusion que plusieurs revues systématiques ont établi que le Star Excursion Balance Test (SEBT) est un test valide (qu’il mesure vraiment l’instabilité à la cheville) et fidèle (qu’il est majoritairement exempt d’erreurs de mesure pouvant affecter les résultats). Bref, le SEBT permet de discriminer si une cheville est stable ou non. De plus, c’est un test relativement facile à utiliser qui requiert peu de matériel et qui ne demande pas une formation très poussée. Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce test, il s’agit de placer des rubans à mesurer au sol en forme d’étoile à huit branches et de demander au patient de se tenir en équilibre sur le pied à évaluer dans le centre de cette étoile. Le patient doit alors atteindre avec l’autre membre inférieur la distance la plus grande sur chaque ruban à mesurer formant l’étoile. Une version abrégée du test existe aussi et semble avoir des propriétés métrologiques similaires au SEBT.
Pour la deuxième question, c’est un peu moins clair. En effet, il est bien connu que la proprioception est diminuée suite à une entorse de la cheville grave. Mais savons-nous vraiment ce qu’est la « proprioception » ? Si vous le demandez à vos collègues, il y a de fortes chances que certains vous répondent : « Oui! Bien sûr ». Par contre, il y a fort à parier qu’ils associent « proprioception » à des déficits retrouvés autant pour une simpleentorse de cheville de grade I que pour des déficits secondaires à un AVC cérébelleux. Certains trouveront que j’exagère, d’autres seront probablement d’accord avec moi.
Nous allons donc définir ce terme. La proprioception est un ensemble de sens incluant:
À voir cette définition, il n’est pas surprenant que certains cliniciens et chercheurs soient tentés de l’utiliser à toutes les sauces. De plus, la proprioception implique plusieurs récepteurs sensoriels, les propriocepteurs, qu’on retrouve un peu partout (par exemple dans les muscles, les tendons, les fascias, les capsules articulaires, les ligaments et dans la peau autour des articulations). Maintenant que nous avons une définition commune de ce qu’est la proprioception, pouvons-nous encore affirmer que le SEBT évalue seulement la proprioception de la cheville? Si on analyse le test, on remarque qu’il va effectivement nécessiter de l’information provenant des propriocepteurs autour de la cheville. Par contre, le SEBT va au-delà de ça, en impliquant le genou, la hanche, les stabilisateurs, etc., en demandant une coordination de toutes ces articulations et des muscles impliqués d’une manière précise. Tout cela dans le but d’atteindre la plus grande distance sur une étoile en ruban à mesurer.
Si cette évaluation de la performance durant un mouvement fonctionnel, nécessitant une intégration précise des informations provenant des différents récepteurs sensoriels dans le but de planifier un mouvement et son exécution, n’est pas de la proprioception à proprement dit, alors de quoi s’agit-il? C’est ici que nous allons introduire le concept de contrôle moteur. Le contrôle moteur est l’habileté à réguler ou à contrôler les mécanismes essentiels au mouvement. Cela implique donc de voir le mouvement en tant qu’interaction entre l’individu, la tâche et l’environnement.
À la lumière de ces informations, il est donc important comme cliniciens d’utiliser les bons termes pour décrire les déficits observés lors de l’évaluation de l’entorse de la cheville initiale d’un patient et d’utiliser les tests appropriés pour évaluer ces déficits. D’un côté il est possible de vouloir évaluer un déficit en somatosensation, c’est-à-dire une composante de la proprioception impliquant la détection ou la reproduction d’un mouvement en utilisant les informations provenant des propriocepteurs. D’un autre côté, il est possible de vouloir évaluer la fonction plus globale chez notre patient pour refléter son contrôle moteur et son traitement somatosensoriel durant une tâche fonctionnelle.
Pour aider les cliniciens dans leur processus de décision clinique quant au choix d’un test, une classification des tests de proprioception a été proposée dans une revue systématique pour identifier rapidement ce qui est évalué par un test.
Les résultats de la revue systématique suggèrent d’utiliser le SEBT pour évaluer le contrôle moteur d’un patient suite à une entorse. En effet, le test est valide, fidèle et sensible au changement. Par contre, si un physiothérapeute veut spécifiquement évaluer la somatosensation, il serait alors plus intéressant d’utiliser le Joint Position Sense (reconnaissance d’une position de la cheville suite à un mouvement passif; voir Boyle & Negus 1998 pour plus d’informations).
En conclusion, il est important est de bien identifier la déficience principale (somatosensation ou contrôle moteur) de votre patient. En effet, cela guidera votre choix de test pour assurer un suivi adéquat et déterminer les interventions appropriées pour optimiser la réadaptation de votre patient. Par la suite, c’est à vous que revient le devoir d’utiliser une terminologie précise pour vos dossiers et les échanges avec vos pairs. Cela vous assurera une réelle compréhension du cas auquel vous faites référence et donnera un portrait clinique plus fidèle de votre patient. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter la revue systématique complète en accès libre dans le BMJ Open Sport & Exercise Medicine.
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