Dans ce blogue, nous discuterons des mécanismes en jeux et comment éviter ou limiter les effets d’interférences.
Par Julien Lapointe, kinésiologue, M. Sc.
Comment jongler avec des clients, des sportifs récréatifs ou des athlètes qui ont des objectifs multiples? Nombreux d’entre eux veulent développer leurs qualités musculaires (hypertrophie, force ou puissance) en même temps qu’améliorer l’endurance cardiovasculaire, mais le développement de l’un limite l’autre. Comme quoi en faire trop ce n’est pas assez. Ce phénomène physiologique est l’effet d’interférence, aussi appelé concurrence, où l’entraînement en endurance limite les gains d’une séance de musculation. Dans ce blogue, nous discuterons des mécanismes en jeux et comment éviter ou limiter les effets d’interférences.
Un peu de science pour commencer
Avant toutes choses, il est important d’avoir une vue d’ensemble sur le phénomène. Pour se faire, nous étudierons une méta-analyse regroupant 21 articles scientifiques (Wilson et al., 2011). Les projets de recherches sélectionnés dans cette étude comprennent tous trois groupes : un groupe s’entraînant seulement en endurance cardiovasculaire, un groupe s’entraînant seulement en musculation et un groupe qui combine les deux types d’entraînement que l’on appelle le groupe concurrent. Tous les participants font une batterie de tests avant et après un cycle d’entraînement en fonction de leur condition d’entraînement. Les variables mesurées lors des tests sont l’hypertrophie, la force et la puissance musculaire. De plus, il y a la mesure de la consommation maximale d’oxygène (VO2max) et de la masse adipeuse.
Tout d’abord, le groupe concurrent a des gains musculaires moindres que le groupe s’entraînant en musculation seul. La taille d’effet n’est pas significativement différente pour les gains en hypertrophie et en force, mais est significativement plus petite pour la puissance musculaire. Ainsi, la puissance musculaire est la variable la plus affectée par l’interférence. Ceci peut poser des problèmes à de nombreux athlètes où leurs performances reposent à la fois sur leur puissance musculaire et l’endurance cardiovasculaire, par exemple les joueurs de rugby, basketball, hockey, etc. Pour les gains de VO2max, nous observons que l’amélioration du groupe concurrent est similaire à celle observée pour le groupe d’endurance. Ces résultats montrent que l’interférence est unidirectionnelle et affecte majoritairement les gains musculaires sans altérer les gains cardiovasculaires.
Sans rentrer en détails dans la physiologie de l’exercice, deux théories permettent d’expliquer ce phénomène d’interférence. Premièrement, l’ajout d’un entraînement cardiovasculaire crée une augmentation importante du volume d’entraînement et diminue la récupération essentielle aux adaptations. En considérant ces facteurs, les participants s’exposent à un surentraînement limitant les gains musculaires. Deuxièmement, au niveau moléculaire, l’une des enzymes libérées lors d’activités aérobies est l’adénosine monophosphate activé (APMK). Cette molécule inhibe un complexe protéique appelé mTORC1 (nous vous évitons le nom complet) qui est responsable de l’hypertrophie musculaire. Ainsi, un exercice aérobie de plus de 20 minutes à plus de 60% du VO2max est suffisant pour bloquer les signaux responsables au développement musculaire. (Sabag et al., 2018; Wilson et al., 2011)
Comment limiter les effets?
Comme mentionné plus haut, les athlètes de sports collectifs sont plus sujets à être limités par l’interférence, car la puissance et la capacité cardiovasculaire sont des qualités déterminantes à la performance. De plus, lors des périodes de transitions entre les saisons, ces athlètes font énormément de préparations physiques, augmentant ainsi les chances d’avoir de l’interférence entre les entraînements. Outre les athlètes, de nombreux clients de salle d’entraînement ou les sportifs récréatifs veulent à la fois prendre de la masse musculaire tout en perdant de la masse adipeuse. Nous leur proposons souvent une combinaison des deux entraînements, mais encore une fois, l’interférence nuira aux gains de prise de masse musculaire. Afin d’optimiser le service à vos clients, quel que soit leur niveau, voici des trucs que vous pouvez facilement mettre en pratique pour limiter l’interférence.
Message à retenir
Il existe une interaction entre l’entraînement musculaire et cardiovasculaire limitant les gains en hypertrophie, de force et surtout de puissance si les deux séances sont faites sans temps de repos suffisant. Avec la contrainte de temps en développement physique dans certaines disciplines ou l’urgence de certains clients à avoir des résultats rapides, le phénomène d’interférence ralentit le processus. L’agencement des séances d’entraînement lors d’une journée, la récupération entre les séances, leur planification au cours d’un mésocycle et le choix de la modalité d’entraînement cardiovasculaire sont des trucs permettant de mieux gérer ce phénomène physiologique et ainsi optimiser les adaptations. Il est important de noter que l’interférence est unidirectionnelle et que les gains cardiovasculaires ne seront pas affectés par l’entraînement musculaire.
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